Mathieu prend un malin plaisir à jouer avec notre
imagination. Il est l'auteur d'une BD au scénario admirablement ficelé: le
Processus, primée à Angoûlème, mais ce n'est malheureusement pas nécessairement
un gage de qualité.
En l'occurence, pas de souci à se faire dans la mesure où c'est chanmé. La
conclusion du processus vous laisse dans un rare abîme de perplexité et de fascination.
Bien joué, bien vu, bien monté, bien pensé.
Les profonds démons de Mathieu prennent corps - s'i l'on peut dire - par l'entremise
servile de Julius Corentin Acquefacques, anti-héros spectaculaire, extrêmement stoïque
malgré ses aventures épiques au pays des rêves.
Mathieu cultive une grande fascination pour le milieu des rêves (ont-ils un milieu?,
où commencent-ils?) et autres mondes parallèles. Difficile à définir, on pourrait
penser à un Kafka, en plus analytique ou en moins cauchemardesque, si seulement on
l'avait lu. Bureaucratie, absurdité de l'environnement, multiples métamorphoses.
Toujours avec ce ton blasé par tant d'impuissance qui nous rapproche de cet environnement
méconnu, qui a plus à voir avec une peur instinctive qu'avec le monde de chez nous, où
quelques fois les gens sont sensés et le soleil brille. Mais comme l'a dit peu ou prou
Desproges, pas cette année, cette année on se gèle les couilles.
Mathieu, donc, nous interpelle, nous fait réfléchir et finalement fascine parce que
ses démons sont aussi un peu les nôtres, parce que quelque part il fait de
l'anticipation... avec grand talent. |
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